Question de fierté | Akihiko

Tokiya ne savait pas danser.

Non pas qu'il ait jamais eu de problèmes de coordination, ni que cette activité lui déplaise particulièrement. On ne lui avait juste jamais appris.
Et ça peut se comprendre. Après tout, pourquoi dépenser de l'argent en professeurs particuliers quand il suffit à HAYATO de faire des moulinets avec ses mains en miaulant pour attirer l'attention des médias ?

Conséquence logique de tout cela : lorsqu'il avait découvert que la danse était l'une des matières principales du parcours Idole de Saotome, avec entre-autres des examens éliminatoires, Tokiya avait vaguement envisagé la boite d'aspirine comme étant une charmante seconde option. Et les mauvaises langues qui diront que c'est une réaction excessive ne savent sans doute pas ce que signifie "être débutant en pop danse"...

Imaginez un pingouin paraplégique avec des palmes.

Vous êtes pas loin du compte.

Et pour rendre tout ceci encore plus rigolo, Tokiya avait eu le malheur de tomber sur LE prof. Vous savez, cet enseignant qui peut décider du jour au lendemain de rendre votre année joyeuse et agréable, ou de vous pourrir jusqu'à la dernière heure de cours de votre vie.
Akihiko Adachi. Tremblez mortels.
Dès le premier jour, il lui avait fait comprendre d'un regard que sa tête lui revenait pas. Et Tokiya, en bon diplomate, lui avait rendu.

Sauf que l'incompatibilité du jeune chanteur avec les pas de danse demeurait. Alors avant que son adorable professeur ne remarque sa grâce de loutre et décide d'en faire profiter la classe entière lors d'un contrôle surprise, il avait entrepris de faire des devoirs supplémentaires.

Les cours à l'académie ne commençant qu'à 9h, il était rare de trouver âme qui vive dans les couloirs avant 7h du matin. Ce qui faisait bien l'affaire du petit brun, pour qui se lever avant les aurores était tout à fait naturel. Un rapide passage en salle des professeurs pour récupérer la clef du gymnase, échauffement, musique et un deux trois...

Gauche, droite, droite, gauche, demi-tour, et gauche... ah non c'était droite... ...

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Enseignant Messages : 45 Date d'inscription : 28/08/2012 Age : 30

Spoiler:

Akihiko dansait comme il respirait : sans effort. Parfois, quand il préparait les chorégraphies pour ses classes, il se demandait s'il ne les insultait pas en leur proposant des pas aussi simples. Et puis les cours commençait et il y avait toujours des élèves pour lui prouver à quel point il avait tord. Même après deux ans dans cette école, le professeur avait toujours bien du mal à s'habituer à son environnement. Il avait oublié ce monde où les gens ne dansaient pas cinq à six heures par jour. Il avait oublié que le commun des mortels ne sentait pas les fluctuations de la musique de manière naturelle. Et que non, tout le monde n'est pas capable de faire le grand écart.
C'était cela qui l'empêchait d'être un véritable bon professeur : son incapacité à comprendre la difficulté que pouvaient avoir ses élèves. Il lui avait déjà fallu plusieurs mois avant qu'il ne comprenne que non, personne ne se moquait de lui. Oui, ils faisaient bien de leur mieux. Il avait finalement réussi à appréhender le monde dans lequel il s'était retrouvé, celui où la danse n'était qu'un accompagnement au chant quand le monde de Akihiko avait toujours été construit à l'inverse. Contrairement à lui-même à leur âge, ces adolescents n'étaient pas prêts à risquer leur vie, leur santé et leur moral pour arriver à effectuer une danse à la perfection. Et c'était tant mieux.

Passé la surprise, cet univers avait plu à Akihiko. Ces cours détendus, ces flanquées de filles un peu maladroites. Ces garçons timides qui essayaient (sans réel succès) de ne pas paraître trop gay. Il avait découvert un autre univers de la musique et du show-biz, plus détendu, plus léger, plus... chantant. C'était exactement ce qu'il fallait à ce traumatisé du succès : un peu de danse sans se retrouver asphyxié de nouveau. Le seul problème était lorsque les élèves le reconnaissaient. Mais ça, c'est une autre histoire.

Malgré sa gentillesse et sa bonne volonté, Akihiko avait tout de même parfois vraiment du mal avec ses élèves. Notamment ceux qui n'étaient pas doués. Et encore plus ceux qui n'étaient pas doués et étaient désagréables, comme ce prétentieux et sérieux petit Tokiya Ichinose. (En vérité, Akihiko n'avait jamais vu Tokiya danser véritablement. Mais l'antipathie naturelle qu'il avait à son égard et son air un peu perdu lors du premier cours lui avait semblé un justificatif suffisant pour décider que celui-là était nul en danse.)
Akihiko n'aimait pas les gens sérieux, ou plutôt il ne les avait plus aimés à partir du moment même où il avait quitté leur petit club fermé. Et ce gars-là semblait être le summum de la chose.

Pourquoi Akihiko pensait-il à Tokiya Ichinose si tôt le matin ? Non, ne vous y trompez pas, il n'avait pas ce genre de pensée juste pour le plaisir. Le fait était que ce Tokiya Ichinose (plus il répétait ce prénom, plus il lui était désagréable) lui avait piqué sa place. Il était sept heure du matin, l'heure où les adolescents normaux en pleine croissance implorent encore pour un peu de sommeil. Pourtant, le Tokiya Ichinose était là, misérablement en train d'essayer de danser avec la grâce et la précision d'un pachyderme. Attendez, ne serait-ce pas la danse que Akihiko s'était cassé la tête à créer pour leur classe ? Il rêvait ou il osait rater cette danse simple ? (Pour Akihiko, rater ce n'était pas se tromper de pas. C'était ne pas offrir son corps et son âme dans chacun de ces pas.)

Le gamin était concentré sur sa danse, très concentré, tellement concentré qu'il n'entendit pas le professeur s'introduire félinement dans la pièce (par la fenêtre, la porte c'est pour les faibles). Adossé à présent à celle-ci, il observait son élève s'accrocher à la musique avec sérieux. Il ne pouvait pas reconnaître qu'il faisait des efforts. Et rien que cela était épatant.

Lorsque l'adolescent se trompa carrément de direction, le professeur Adachi ne pu empêcher un petit ricanement. Ce n'était pas véritablement un ricanement moqueur et méprisant, au contraire c'était de l'admiration. Akihiko admirait toujours ceux qui arrivaient à faire des efforts dans les matières où ils étaient évidemment nuls. Il les admirait, oui, avant d'en rire, puisqu'il riait de tout.
Bref, avec ce ricanement il était repéré. Flûte. Avec son sourire d'idiot, il salua donc son si cher élève.
« Bonjour, Tokiya Ichinose. »

Tokiya se retourna brusquement, et ouvrit des yeux grands comme des billes.

Qu'est-ce. Qu'il. Faisait là. LUI.

« Bonjour, Tokiya Ichinose. »

Quelqu'un ? une corde ? non, personne ? dommage.
Sans faire l'effort de décrocher un sourire -qui aurait de toute façon été plus faux que ses pas de danse-, il répondit à son adorable sensei :

"Bonjour, monsieur. Excusez mon intrusion, je pensais que la salle était libre à cette heure-ci..."

Et la vérité c'est qu'elle aurait dû l'être. Mais visiblement le petit brun avait un méchant karma avec cette matière. Avec ce prof. Et puis d'abord, comment était-il entré ? Il était pourtant persuadé d'avoir fermé à clef derrière lui pour éviter précisément ce genre d'importunité.
Tokiya laissa échapper un soupire, léger comme le battement d'aile d'un papillon.

"Est-ce que ça vous dérange si je continue ?..."

Oui, parce que malgré le regard impitoyable et les rires du professeur, le jeune idole était bien décidé à finir ce qu'il avait commencé. Après tout, se disait-il, quand il n'était pas à l'école il passait son temps à se ridiculiser en HAYATO devant des cameras, alors un peu plus ou un peu moins... Même s'il fallait admettre que cette séance-là faisait sacrément mal à l'égo.
Il ralluma donc la musique sur son portable (on fait avec c'qu'on a hein), et reprit l'exercice depuis le début.

On pouvait se moquer tant qu'on voulait, mais Tokiya faisait des progrès. Lentement, certes. En travaillant deux fois plus que les autres, certes. Mais des progrès quand même. Son plus gros défaut en vérité, et il n'en avait pas encore tout à fait conscience, c'était son perfectionnisme. A trop se concentrer sur sa technique, il en oubliait de se laisser porter par la musique.

Et ça, auprès d'Akihiko, ça passait pas.

Spoiler:

» Akihiko {Professeur vénéré